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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 269

écrit comme George Sand. Elle se fût mise entière et directe- ment, d'une nature sincère et ardente, dans ses récits. Ses personnages, trop près de leur source, n'eussent pas vécu beaucoup plus que ceux de Disraeli. Mais les saisons se succé- dèrent en elle avec la lenteur, la régularité, la perfection même de la nature, et la récolte se fit par une pleine journée d'automne, dorée et tiède à point. Ses romans, ses héros, ses enfants elle ne les inventa pas, elle les tira de son souvenir. Elle raconta, avec le génie achevé de la transposition, elle- même, son frère, ses parents, ses voisins, le coin vivant d'huma- nité oiîi cet être observateur et réceptif avait fait sa partie et tenu sa place. Tout cela fut dessiné selon une juste perspective, ni de trop loin ni de trop près, dans une transparence de poésie vraie et dans une lumière aussi substantielle que celle de Claude Lorrain ou de Hobbema. La vie réalisée et dégagée sous cette forme créatrice et maternelle, durant les belles années qui allèrent des Bcènes de la vie Cléricale à Romolay ce fut l'ordre où Mary Evans mit au jour le meilleur d'elle même, fut vraiment elle-même avec plus de vérité peut-être qu'elle n'en comportait aux temps de jeunesse où elle passait par ses grandes crises religieuses et morales.

��La Russie ayant groupé ses grands romanciers dans l'espace à peu près d'une génération, il ne reste que deux littératures, la française et l'anglaise, pour avoir réparti sur deux ou trois siècles une suite serrée et continue, un peuple véritable de créateurs de vie. Si les Français sont plus artistes, si la vie qu'ils ont créée atteint des profondeurs uniques de subtilité et de raffinement, il semble bien que, malgré la présence ici d'un Balzac, d'un Stendhal et d'un Flaubert, la masse et la poussée de vie produites au jour par le roman anglais représentent quelque chose de plus touffu, de plus puissant, de plus irrésis-

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