Page:NRF 14.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

poids et l'immobilité du temps ; je souffrais d’un froid à l’intérieur de mes os, et la peau de mes mains et de ma face était gluante d’un froid humide et je me sentais devenir une chose de la forêt.

C’est avec un petit effort que je me levais pour aller trouver mon lit de toile ; et je m’endormais bercé par les ronflements de mes deux porteurs noirs étendus dans un coin et par la pluie.

Les journées !.. Je marchais., je marchais... Fatigué, je me reposais les fesses à l’herbe du sentier. Souvent les porteurs de mon lit et de ma cantine me laissaient assis là et continuaient. Reposé, je reprenais ma route et les retrouvais accroupis à m’attendre au pied d’un arbre.

Lorsque mon oignon indiquait neuf heures, une heure et cinq heures, je faisais halte pour un repas de bananes, de mangues et de ces grosses oranges à peau verte et à jus qui me griffait la langue et me resserrait la gorge. Elles tachaient la masse noire d’arbustes qui bordaient d’étroits ruisseaux ou de petites mares que m’annonçait, avant de les atteindre, un ronflement pareil au ronronnement d’une lointaine scierie mécanique : c’était le bourdonnement de grosses mouches à tête verte et à ailes rouges. Les insectes volaient à ras de l’eau et massés en essaims qui zigzaguaient, et leur ombre passait sur l’eau, figée, semblable de loin à une feuille de fer blanc. J’avais cueilli les fruits au passage. Chaque matin, à l’heure où je quittais la case de l’homme et de la femme Echiras, la forêt me frappait le visage de toute sa fraîcheur ; la pluie avait cessé, mais elle continuait à tomber des arbres.

Je commençais de marcher et à la longue, bien qu’abrité de la voûte feuillue, je sentais, à mon chapeau de