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l'isolement 257

C'était mon chef de zone. Il avait sous sa juridiction les factoreries de la rivière Kadeï et il allait de Tune à l'autre en ses tournées d'inspection, séjournant un mois dans celle-ci, deux mois dans celle-là.

Il me reçut à Mogounga qui fut mon premier poste dans les régions du Haut. J'arrivai à Touesso — le point extrême de la navigation à vapeur sur la rivière Sangha — en pleine saison de pluie, et ce fut aussi sous des torrents d'eau que je remontai en pirogue cette Sangha jusqu'à Nola, puis un peu de la Kadeï et qu'ensuite je fis à pied ce qui restait de la route jusqu'à Mogounga.

Aujourd'hui que j'y retourne dans ce Haut, les sons d'une pareille guitare essanghi tapotent sur mon crâne ; mes yeux papillottent aussi à ces notes monotones et à regarder la brousse noire et basse avec au-dessus un vide mat et jaune comme le tripoli qui la fait paraître en bitume. Il me reçut à Mogounga. J'y arrivai vers midi après deux semaines passées dans la forêt à marcher le jour et à dormir la nuit sous les arbres. J'atteignis Mo- gounga. Mon oignon rouillé piquait midi. Durant cette marche de quinze jours, j'avais entendu de la poche de ma ceinture de cuir son tic-tac énorme et c'était ce bruit qui peut-être avait donné à mon pas un semblant d'éner- gie, à partir de la cinquième journée ! Deux porteurs noirs m'accompagnaient ; l'un était chargé de ma cantine de tôle, l'autre de mon lit de toile replié dans un sac. Le soir, assis sur le bord de ce lit, je remontais ma montre ; je la replaçais dans la poche de ma ceinture et avant de m'étendre pour sommeiller je restais quelques instants à ne rien faire, les yeux au sol ; lorsque je me décidais au sommeil, machinalement je reprenais ma montre, incertain

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