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2^6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

le soir, en s' accompagnant. Tout un village est autour du chanteur lorsque sa chanson s'élève ; les hommes, les femmes Técoutent, immobiles ; mais le passant ricane, au passage, si Tun de ces poètes dort, étendu au soleil sur la poussière de la route.

Cette guitare était faite simplement de deux nerfs raidis sur une boîte de bois tendue d'une peau de serpent et emmanchée à un bâton creux.

L'homme jouait.

Les petits sons vidaient le wagon après avoir rebondi sur l'élasticité des cordes. A Mogounga autrefois, Montert, mon chef de zone, en possédait une toute pareille. Des heures entières de l'après-midi il s'évertuait à tromper son ennui en jouant de cette guitare. Le soir, dès le pre- mier son de la cloche que son boy agitait quelques instants avant de nous mettre à table, afin de signifier aux gens du village que tous rapports devaient cesser entre eux et nous durant le repas, Montert l'accrochait à un clou sous le chimbeck. De grosses demoiselles rouges volaient en bourdonnant sous cette marquise de paille, et souvent l'une d'elles se posait sur une corde de la guitare. Elle y restait et la pointe de son corps effilé se courbait lentement, prenait la forme d'un minuscule crochet.Brusquement, elle quittait son perchoir, et derrière elle son poids sur la corde était marqué à mon oreille par une légère vibration sonore, et ce son devait la charmer, car elle se mettait à bour- donner en volant par petits cercles devant la guitare.

Montert s'ennuyait à Mogounga. Il jouait de sa guitare essanghi le soir, lorsque, la journée presque à sa fin, les colporteurs de caoutchouc ne se présentant plus à la factorerie, il ne savait que faire.

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