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L ISOLEMENT ' 255

celle de Bakoundé, celle de Douago, celle encore de Batouri.

L'une d'elles : tous les six mois et durant quinze jours la communauté qui vit derrière la factorerie est occupée à l'écrasement des grains. Chaque journée de cette quinzaine, dès le petit jour, dès l'instant où la lumière perce la nuit, l'un des couples apporte sur une petite place en terre battue sa provision de grains que toutes les femmes écraseront ; à l'heure où commence le travail, la forêt, autour d'elles, est bleue, d'un bleu d'acier ; comme à Palaballa, les jeunes se dandinent à la cadence des massues de bois contre le sol et aux claquements des mains des vieilles qui crient : Aia !.. Aia !.. Ainsi, à chaque jour, l'aide de toutes les femmes en faveur de chacune pour activer une besogne trop lourde. Quelqu'un se mit à jouer d'une guitare essanghi aussitôt après Palaballa. Le musi- cien était assis quelque part dans mon vv^agon, loin de moi, et les notes étaient aussi tristes et voluptueuses que les airs d'accordéon qui sautillent les soirs de fêtes de banlieues parisiennes.

Je n'avais qu'à faire virer un peu mon fauteuil mobile sur le pied en pas-de-vis pour apercevoir l'homme, le visage penché sur son instrument qui lui barrait la poitrine. Sa main gauche et le coude de son bras droit maintenaient la guitare contre son corps et sa main droite vibrait sur les deux cordes.

Ces petits sons vidaient le wragon après avoir rebondi sur l'élasticité des cordes. C'était une guitare bien com- mune. C'était l'instrument que portent en bandoulière ces trouvères méprisés qui s'en vont à travers tout le Soudan, de village en village, pour chanter des complaintes.

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