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250 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

un court écart et reprenait son sautillement ; ces petites chauves-souris cotonnaient le vide.

Et nous quittions la Grande Forêt. Mon dos, brusque- ment déchargé, se sentait allégé par tout l'espace au-dessus de lui, je sentais soudain l'odeur mouillée de la forêt à sa disparition de mes marines, cette odeur qui était compa- rable à celle de la vapeur que dégage le linge en train de bouillir dans une lessiveuse. Durant notre éloignement des arbres j'entendais la forêt : elle grouillait de bruits menus comme de la limaille et notre éloignement s'allon- geait sur l'épuisement de ces bruits dans la distance.

J'allais revoir tout cela ! Ces souvenirs arrivaient en foule dans ma mémoire... J'allais revoir tout cela, mais après deux journées de monotone voyage dans le fond d'un vv^agon aux parois de bois dont la couleur jaune était écaillée par une chaleur humide, deux journées durant lesquelles la brousse plate allait peser sur mon crâne, lourdement, de toute sa solitude.

Le train venait de quitter une minuscule station qui avait nom Palaballa, lorsque quelqu'un se mit à jouer d'une guitare essanghi. Il pouvait être deux heures de l'après-midi. Or, nous avions quitté Matadi à neuf heures et demie, le matin ! Mais une avarie à la locomotive nous avait immobilisés sur la voie, à quelques centaines de mètres de Matadi. Quatre heures et demie pour franchir la distance de Matadi à Palaballa qui s'effectue d'ordinaire en soixante minutes! La voie, à l'instant où s'immobilisa la locomotive, faisait un coude ; la file des wagons pliait à sa forme durant que le ralentissement de la machine amortissait le roulement des voitures. La mienne étant en queue du convoi — tout à fait comme à l'une des deux

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