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L ISOLEMENT 237

quai OÙ j'allais et venais Thumidité lourde de la forêt tout le long de laquelle, au pied des troncs, les deux bandes d'acier de la voie ferrée reluisaient, ténues comme deux fils d'argent, et incisées dans un sol de poussier de charbon. Cette ligne Matadi-Léopold ville était à voie unique : le train qui une fois la semaine — le mardi — montait de Matadi sur Léopoldville-Kinchassa croisait le lendemain de ce départ, à Thisville où il s'était garé une heure ou deux avant, celui qui une fois la semaine, le même mardi, descendait de Léopoldville-Kinchassa sur Matadi.

Enfin j'ai entendu le " En w^agon. Messieurs ! " du noir à la casquette galonnée! Lentement, avec une lenteur qui vous faisait sentir à la base du crâne en une pression infime et continue une impulsion qui mourait dans leur déplacement lourd, cinq wagons roulaient en tressautant un peu aux jointures des tronçons de rails. Comme si elle attendait leur immobilité pour paraître, une locomotive " couleur purée de pois " sortit brusquement de derrière l'une des collines de charbon. Elle venait à nos wagons par une petite voie de garage branchée sur celle qu'elle aurait à suivre jusqu'à Léopoldville-Kinchassa avec nos voitures à sa remorque. Deux noirs, en bourgeron de grosse toile bleue, penchaient sur la rampe de la plate- forme leurs larges faces encrassées de fumée et que l'iner- tie rendait pareilles à des têtes de fonte. La locomotive reculait d'une longue glissade sur les rails ; elle reculait de toute sa masse, ce qu'indiquait la cheminée basse en forme de tromblon ; et elle glissait, car ses roues étant cachées par le va-et-vient de la bielle très large, la base du bloc de la machine filait d'une seule coulée au ras des

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