228 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
tête. Mes pas lui firent lever le visage ; je vis ses yeux : ils brillaient entre les paupières largement séparées.
Et il me dit : " Ah ! Monsieur, la lecture à Matadi des poèmes d'Henri de Régnier !... voilà la vraie joie, vous savez... je peux bien dire qu'ici, bien sûr, chaque vers de certains poèmes s'anime intensément dans le silence... qu'il y vit sa vie... Tenez les mots dans Tel quen songe... Ecoutez bien :
. . . Un sablier poudroyait r heure.
— La clepsydre pleure mais lui il est ce quelle pleure
Etant plein de sable gris comme une cendre —
On le retournait d^ heure en heure ;
On y "voyait le Temps descendre
Selon que s'^ accroissait le sable entassé
De tout le sable déjà passé
Sans bruit comme passait la vie ;
On y voyait le présent devenir le passéy
Et quand sa charge était finicy
Une heure avait recommencé.
...Eh î bien, Monsieur, ah ! je n'ai qu'à me réciter à voix basse ces vers sur le seuil de cette salle et le visage à la rue pour que me pèse aux épaules tout le poids de l'immobilité du temps d'ici engourdi par la chaleur... étant plein de sable gris comme une cendre \... et le sens de ces mots me harasse parce que j'ai devant moi le spectacle des choses équatoriales dont la vie est exténuée de chaleur comme nous tous ici, pauvres hommes... Vous n'avez pas vu en venant tous ces arbres qui semblent être en cuir bouilli ?... Et cela : On y voyait le présent devenir le passé I... Ce vers lu ici me fait vivre avec
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