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214 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

odeur ? On dirait du vinaigre ". Elle vient de lui, comme il arrive aux très malades.

Je ne sais que penser. La fièvre monte encore, et à aucun moment ne descend au dessous de 40. La toux est plus pénible, je crains une hémoptysie. Ses joues se creusent, sa bouche est de plus en plus empâtée.

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��Je sentais qu'à nous deux, en faisant effort, nous devions empêcher qu'il mourût. Alors je le priais de ne penser qu'à sa guérison, et de la vouloir fortement. Il me sem- blait que la nuit j'avais plus de force pour le supplier ou lui donner un ordre. Il me comprenait, cependant il ne répondait pas comme je le désirais : de penser à sa mala- die, on aurait dit, le faisait distrait.

Alors avec toute ma douleur je tombais dans un état d'extase, où je me répétais : " Il va guérir, il est déjà guéri, il faut qu'il guérisse ". Je croyais voir ces mots écrits sur le mur, ou sur les couvertures. Je les appelais, je me pénétrais d'eux — mais au plus pendant une demi-heure, ensuite j'étais épuisée.

��Le dixième jour, il récitait ou parlait une moitié de la journée, tantôt en souriant, tantôt avec tristesse, en se soulevant un peu sur le lit ; et il me disait : " JuHette, écoute ; tu n'écoutes pas assez ". Mais il était vite fatigué, la sueur lui venait au front, ou il avait un accès de toux. Ses ongles étaient bleus et bombés ; et ses yeux légèrement

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