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SI LE GRAIN NE MEURT 165

les petits, dont j'étais, pâlissaient sur les alphabets, ou sur des pages d'écriture, les grands — ou plus exactement : les grandes (car, au cours de Mademoiselle Fleur fré- quentaient bien des grandes filles, mais seulement des petits garçons) — s'agitaient beaucoup autour des répéti- tions d'une représentation à laquelle devaient assister les familles. On préparait un acte des Plaideurs ; les grandes essayaient des fausses barbes et je les enviais d'avoir à se costumer ; rien ne devait être plus divertissant.

De chez Madame Lackerbauer, je ne me rappelle qu'une machine de Ramsden, une vieille machine élec- trique, qui m'intriguait furieusement avec son disque de verre où de petites plaques de métal étaient collées, et une manivelle pour faire tourner le disque ; à quoi il était défendu de toucher " expressément sous peine de mort " comme disent certaines pancartes sur des poteaux de transmission. Un jour la maîtresse avait voulu faire fonctionner la machine ; tout autour les enfants formaient un grand cercle, très écarté parce qu'on avait grand peur ; on s'attendait à voir foudroyer la maîtresse ; et certaine- ment elle tremblait un peu en approchant d'une boule de cuivre, à l'extrémité de l'appareil, son index replié. Mais pas la moindre étincelle n'avait jailli. Ah ! l'on était bien soulagé.

J'avais sept ans quand ma mère crut devoir ajouter aux cours de Mademoiselle Fleur et de Madame Lacker- bauer les leçons de piano de Mademoiselle de Gœcklin. On sentait chez cette innocente personne peut-être moins de goût pour les arts qu'un grand besoin de gagner sa vie. Elle était toute fluette, et pâle comme sur le point de se trouver mal. Je crois qu'elle ne devait pas manger à sa faim.

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