Page:NRF 14.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée

142 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Précisons un peu ce que nous entendons par " langage direct ". Le peintre impressionniste, dont ce salon est le temple, croit à la réalité la plus immédiate, à celle qu'il a sous les yeux, Son attention est uniquement d'exprimer tout ce qu'il voit. Il ne peut donc concevoir aucun choix parmi les éléments visibles que lui propose la réalité. Le spectacle extérieur est à la fois pour lui le prétexte, le moyen et le but ; le point de départ sinon toujours le point d'arrivée. (Il sera intéressant de chercher un jour les raisons pour lesquelles l'impressionnisme, malgré la réalité des moyens mis en œuvre, malgré la mécanique simple des procédés, malgré la réduction au minimum des conventions picturales, constitue la plus complète, la plus étonnante abstraction à laquelle des peintres soient jamais arrivés. C'est d'ailleurs le spectacle le plus passionnant du monde que de voir la prodigieuse souplesse du pubUc qui, nonobstant les Musées, considère actuellement comme seule picturale la spéculation la plus extra-picturale à laquelle les hommes se soient jamais livrés.) Mais pour le moment, c'est le geste seul du peintre qui nous occupe, opérant sur la toile le décalque le plus textuel de la réalité. L'objet, pour lui, n'est pas tel qu'on peut le connaître par une longue expérience, mais bien tel qu'il se manifeste en cet instant précis où l'on peint. Rechercher dans sa mémoire, pour en faire la critique, les sensations passées afin d'arriver à une moyenne expressive, c'est déjà, s'astreindre à de trop longs détours : l'essentiel est d'opérer une synthèse fou- droyante des effets. Le travail se bornera donc, pour ainsi dire, à aller chercher avec le pinceau l'épiderme des objets et à le transporter rapidement sur la toile, sous forme de tonalités délicates et hasardeuses. L'impressionniste va au plus pressé, au plus direct ; il prend le chemin le plus court.

Or, ces moyens directs appartiennent à des peintres qui les découvrirent, les cultivèrent, les perfectionnèrent. Ces peintres, nos aînés, malgré qu'essayant parfois de soumettre à un certain rythme leur geste imitatif, demeurent fidèles à leur idéal primitif de reproduction immédiate et spontanée. Leur technique actuelle est toujours conforme à leurs anciens

�� �