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NOTES 137

colossal d'Atossa et de l'ombre de Darius, ne resplendissent de ces sentiments des grands soldats, la justice et le respect du vaincu. Et comment supporterait-on aujourd'hui l'équiva- lent des mots par lesquels débutent \qs Muses d'Hérodote? " Hérodote d'Halicarnasse a écrit dans ces Histoires pour les transmettre à la postérité les récits des grandes actions tant des Grecs que des Barbares. " Mais passons un demi-siècle. Le temps est venu de la réquisition par la cité, réquisition absolue de la pensée et du cœur humains. A Sparte, un esprit religieux intense et une forte tradition ont pu concilier à peu près cette réquisition avec les lois essentielles de la justice, et c'est tout le but de l'éducation lacédémonienne, mais il a fallu choisir entre cette réquisition et la vie de l'esprit, sacrifier absolument la seconde. Partout ailleurs, pendant la guerre du Péloponnèse, l'investissement entier de l'homme et de la cité par les appétits et les passions politiques aboutit à ce renver- sement des idées morales que Thucydide schématise dans un chapitre célèbre du livre HI comme une suite des dissensions deCorcyre. Athènes, qui est tombée comme les autres, s'en est sauvée cependant par son atmosphère d'intelligence hbre, de sel marin, par les roseaux pensants dont rien ne pouvait tuer la noblesse, les Thucydide, les Socrate, les Platon.

Bien entendu je sais à quel point ce schème de Thucydide est théorique, et je sais aussi à quel point l'est celui de M. Maurras. M. Maurras sait jDien que la France ne deviendra jamais un Paraguay. Il sait qu'on appelle France une chose vivante dont l'avenir, comme celui de tous les êtres vivants, est inconnu, que cette chose vivante implique une respiration naturelle et une spontanéité incoercible de pensée désintéres- sée, et que ni les épithètes de mandement ni les excommuni- cations anticipées n'empêcheront — heureusement — de naître quelque petit Stennhal qui veut venir au monde. Reli- 6ons Stendhal, mettons-nous s'il nous plaît à son école, nous en deviendrons des Français plus fins et par conséquent meilleurs. Cela ne diminuera pas, quand il faudra les mettre en oeuvre, nos capacités de service. De Moscou à la Bérésina la Grande- Armée n'a touché que trois jours de vivres, et c'est

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