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I08 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

confondre avec l'impétuosité, la générosité, la spontanéité. On dit d'un jeune homme qu'il est sincère, lorsqu'il exprime ce qu'il pense, d'un élan, sans retour sur soi, quand bien même il penserait faux et ne serait pas très conscient de sa vraie pensée. Si j'entends bien Copeau, il y ajoute un élément plus grave et qui n'est pas inclus dans la définition courante qu'on en donne. Il veut une sincérité d'âge mûr, une sincérité que la réflexion prépare, qui s'est dépouillée des illusions, qui a à son acquis nombre d'années de connaissance, d'épreuve, de continuité. Celle-ci sera capable de " se soumettre à une discipline sans forcer sa nature " ; elle se refusera à la mode, au désir de se singulariser. Elle sera honnêteté autant que fougue ; elle ne s'avancera que sur un terrain sûr ; elle ne parlera qu'en pleine connaissance de cause ; jamais, même inconsciemment, elle ne se mentira. Copeau distingue expres- sément en elle la flamme et la vertu, l'ingénuité et le savoir. Je ne connais pas de vue plus féconde. Hélas ! il le constate, rares sont les esprits qui arrivent à l'âge du savoir et de la vertu, sans avoir perdu l'ingénuité et la flamme. Il est cepen- dant de ceux-là ; il le dit et nous le croyons. Il a atteint la maturité en gardant la foi, il a connu l'échec sans l'amertume et le succès sans sot orgueil ; il n'a d'ambition que celle du travail a accomplir. L'ébéniste qui aime et connaît à fond son métier, quand il fait un meuble, est sincère ; il fait sincère- ment la chose pour laquelle il est fait. C'est le bon ouvrier de France. Copeau nous cite un exemple au théâtre : celui d'Antoine. On pourra discuter son œuvre, et n'être pas de son avis ; on ne pourra pas ne pas reconnaître qu'il ait cru en quelque chose, apporté et réahsé quelque chose, qui était à lui, à lui seul.

Quelle sincérité apporter dans la mise en scène ? Première condition : ne jouer que des pièces que l'on admire. N'avoir pas à défendre la pièce, mais à la servir. Sentir en elle tout ce qu'elle contient de scénique, pour en faire vivre la matière scéniquement. Non la recréer à sa guise, mais se confondre avec celui qui la créa. En vérité l'auteur seul est metteur en scène ; et le metteur en scène proprement dit, par l'intelli-

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