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I06 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le Théâtre du Vieux-Colombier ne sera pas un théâtre (Vintelleciuels. Les intellectuels y trouveront leur compte, mais les autres aussi, qui ne le sont pas forcément : les gens intelligents, sensibles, les raffinés, les gens de goût, les gens de bonne foi qui ouvrent les yeux et les oreilles. C'est à eux qu'il s'adresse. Il a l'ambition d'accroître son public de tous les éléments non-sophistiqués de la foule. Il pourra même devenir jusqu'à un certain point " théâtre populaire " ; car " il présentera des choses simples qui puissent être comprises simplement ". Remarquons, entre parenthèses, que c'est là le comble de l'art : il y tendra.

Le Théâtre du Vieux-Colombier ne sera pas un théâtre d avant-garde. Copeau a ce mot en horreur. Trop de gens qui "ont débuté sur les barricades finissent dans le gouvernement". A ce sujet il rapporte un propos que lui tenait un^ acteur arrivé : " Vous recherchez la nouveauté ?.. vous faites bien. Il faut ça pour qu'on vous remarque. On a toujours le temps de mettre de l'eau dans son vin.. " Non, nous ne sommes pas de vieux jeunes ; nous ne tirons pas de pétards. Nous avançons avec prudence et n'aurons pas à reculer.

Le Théâtre du Vieux-Colombier ne sera pas un théâtre révolutionnaire. Plutôt réactionnaire, dit Copeau. Car, les yeux fixés sur les grands modèles que lui prépare le passé, il se mettra à leur école. Il refuse de s'enfermer dans une formule littéraire, de se coller une étiquette qui attirera les badauds. Il " réagira " contre la routine, contre l'académisme, et contre l'esthétisme. C'est justement dans les chefs-d'œuvre qu'il puisera ses moyens de combat. Retenons au passage cette formule : " L'originalité, nous la trouverons au bout de notre peine, comme une récompense, non au début comme une réclame. " Elle mériterait d'être inscrite à la première page de toutes les jeunes revues et sur le mur de tous les ateliers. Elle vaut pour tous et pour tout. Ce n'est pas la dernière fois qu'en nous parlant de sa conception du théâtre, Copeau contribuera à éclairer les principes généraux de l'art.

" Ennemi de tout mensonge ", c'est un théâtre de sincérité, un théâtre non-théâtral qu'il rêve. " Rayez, dit-il, le mot

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