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AURORE OU LA SAUVAGE 981

C'en est trop. Je me précipite sur elle pour l'étrangler. Je serre de toutes mes forces son cou puissant, mais, souriante, elle en tend les muscles si fort, du menton aux épaules, qu'il me faut lâcher prise, essoufflé.

Elle rit. Je rage.

— Partons, dis-je, je vous reconduis.

Aurore monte dans le taxi comme dans un char. La voiture roule silencieusement. Aurore se tient dans l'ombre, les jambes croisées, le menton dans la main.

Calmé, je pense avec bienveillance :

— En effet, elle s'est simphfiée extraordinairement. De ses lèvres minces ne sortent ni mensonge, ni emphase, de ses yeux aucun trouble, de ses mains aucun geste inutile. Elle commande avec lucidité à son corps comme à un instrument de précision aux rouages puissants et délicats sur lequel se brisent les fatigues qui nous brisent, où, même à cette heure-ci, les organes fonctionnent sans jeu.

J'envie son harmonieuse perfection, sa vie intérieure sans conflits, ses jointures sans arthritisme, ses pieds sans durillons, ses reins sans courbatures.

Si je lui demandais :

— Qu'est-ce qui vous empêche de mal faire quand vous en avez envie, puisque vous êtes sûre de ne pas avoir la migraine le lendemain ?

Elle répondrait :

— Mon hygiène.

Tout à coup Aurore éclate :

— Ne me laissez pas seule ! pas seule ! Des sanglots.

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