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��AURORE OU LA SAUVAGE

��La fenêtre ouvre sur une cour, au fond de laquelle ce n'est pas encore le matin. Au-dessus de moi, la tôle usagée du ciel, boulonnée d'étoiles, avec des taches d'acide, déjà, à l'orient. Atroce matin d'exécution. La cour est un appel d'air qui reste sans écho. Elle est trop étroite pour un silence plat : celui-ci est vertical, comme dans les tuyaux.

Sous la terre, les mitrons laissent retomber la pâte lourde, chaque fois pour la dernière fois.

Je ne veux plus vivre ici, j'étouffe ; dormir serait possible sans les rêves et l'écrasante fatigue des réveils ; il est encore plus impossible de vivre loin de ses amis qu'avec eux. Je me ronge les ongles, je m'épile, je fais des réussites ; mais je ne tue pas le temps, je le blesse.

Je voudrais partir seul, avec mon carnet de chèques pendu à mon cou dans une petite boîte en fer ; avec ma valise. Ma valise dont les flancs lisses sont comme des joues, sur lesquelles tous les vents ont soufflé, tous les doigts ont passé ; étiquettes des hôtels et des gares ; craies multicolores des douanes ; et le fond qui s'en va est bleui de sueurs, d'eau de mer, de vomissures, et rouge là où les flacons d'eau de Cologne se sont cassés à l'in- térieur. Malheureusement, je ne peux pas plus m'évader de cette ville que de moi-même II me reste la promenade

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