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952 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comme on aurait raison ! » Or, voici la phrase d'Hc'rodias : « La fortune du père dépendait de la souillure du fils ; et cette fleur des fanges de Caprée lui procurait des bénéfices telle- ment considérables, qu'il l'entourait d'égards, tout en se méfiant, parce qu'elle était vénéneuse. » L'image se tient solidement, et surtout elle exprime chez les deux Vitellius un état d'esprit qu'il faudrait dix lignes pour expliquer autrement et plus mal. Isolés par le malveillant critique les six mots sont en effet une fleur de rhétorique. Qui est responsable, sinon l'homme au sécateur ? Méfions-nous des citations tronquées.

Mais l'opinion des critiques importe moins en cette matière que celle des disciples. Le style de Flaubert a établi sa valeur par sa fécondité. Comme celui de Guez de Balzac, il a institué une école. Il a formé des élèves. Cet écrivain qui ne fut pas de l'Académie fut à lui seul une Académie, c'est- à-dire une source d'exemples. C'est chez lui que toute une génération a appris à écrire. Grand par lui-même il est plus grand peut-être encore par ses élèves. L'éducation de Mau- passant par Flaubert, peut-être unique dans notre histoire littéraire, nous place dans la saine atmosphère d'un atelier de la Renaissance, d'un Léonard qui sort d'un Verrocchio ou 'un Jules Romains qui naît d'un Raphaël. Salamnbâ imité cent fois a donné le style de la grande décoration histo- rique, Bo :vard le style du naturalisme goguenard. Certaines scènes de la Tentation, comme l'entretien d'Antoine, d'Apol- lonius et de Damis, auraient pu fournir le pur et parfait modèle de ce style dramatique nerveux, harmonieux, riche en repli ]ues condensées et en coupes puissantes ui manquerait à notre prose si Victor Hu jo ne l'avait en partie réalisé dans le drame d'ailleurs lamentablement vide de Lucrèce Borgia. Peut-être les pages c:)lériques, guignoles ques et truculentes de la Correspondance ont-elles quelque peu inspiré les styles succulents de Huysmans et de Léon Bloy.

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