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94S LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

c'est-à-dire quand elle est exposée en public, et que l'auteur peut dès lors recevoir sur elle plus d'avis utiles qu'il ne le pouvait quand elle demeurait manuscrite, il la voit d'un autre œil, la défend par toutes les raisons, parfois mauvaises et qu'il sait mauvaises. C'est d'ailleurs très humain — et tout naturel — puisqu'il n'y a pas d'œuvre si parfaite qu'on ne puisse encore perfectionner dans le détail et qu'à ce compte on ne ferait pas grand 'chose de nouveau. Seulement, ces mauvaises raisons sont souvent instructives. Victor Hugo, ayant parlé par inadvertance de la Sorbonne au temps de Charlemagne, croyait devoir se défendre en alléguant que l'étymologie de Sorbonne était Soyor bona. Voyez Flaubert :

« Il prétendait, dit Maxime du Camp, il a toujours pré- tendu que l'écrivain est libre, selon les exigences de son style, d'accepter ou de rejeter les prescriptions grammaticales qui régissent la langue française, et que les seules lois aux- quelles il faut se soumettre sont les lois de l'harmonie... Il disait que le style et la grammaire sont choses différentes ; il citait les plus grands écrivains qui presque tous ont été incorrects, et faisait remarquer que nul grammairien n'a jamais su écrire. »

C'est là sans doute une réponse un peu confuse à quelques remarques, dans le genre de celles de Faguet et de M. de Robert, faites sur quelque phrase de Flaubert, — et Maxime du amp a dû ajouter à cette confusion. Quel que soit son auteur on voit facilement ce que dans ce passa e il y a de vrai et de faux. Ni Flaubert ni aucun homme sensé n'a jamais pu penser que les seules lois auxquelles il faille se sou- mettre soient les lois de l'harmonie. Il n'y a pas de langue à flexions, ni à plus forte raison de style sans grammaire. Seulement, il est exact que le caractère grammatical d'une langue, et particuUèrement de la langue française, se renforce au fur et à mesure qu'elle avance, qu'elle est réalisée par des écrivains, que sa texture devient moins libre, que ses lois

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