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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 945

que son oreille grammaticale et littéraire ne fût pas très sûre. Et l'œuvre, l'influence de Flaubert sont telles que nous sommes, après tout, amenés à nous louer que cette oreille n'ait pas fonctionné sans défaillance. Nous assistons alors au spectacle passionnant de ce que peuvent, pour se créer avec peu de matière un moyen d'expression qui arrivera à être parfait, d'abord la volonté et ensuite la vision en pleine atmosphère d'intelligence d'un monde d'idées vivantes.

��La loi étemelle se vérifie toujours et le style épouse chez Flaubert un geste de l'homme. Mécontent de lui, mécontent de la vie, Flaubert pouvait, comme certains romantiques, partir en guerre contre tout. Or il s'est cantonné dans une occupation, un métier précis pratiqué avec une conscience farouche, il a, pareil à Taine, son ami, étouffé à force de tra- vail l'absurdité de la ie. Il s'est voulu, s'est cherché une discipline. Et son style est un style de discipline. Et plus haut que le style proprement dit, il a fourni à toute son époque le style général de la discipline littéraire. Il a réalisé l'idée de discipline comme un Chateaubriand réalise l'idée de survie décorative ou un Victor Hugo l'idée de libre épanouissement verbal. A ce point de vue il est un phénomène unique au XIX® siècle, où l'art apparaît plus que jamais comme le dépôt naturel de la vie. Bien qu'il faille se défier beaucoup des racontars de Maxime du Camp et que le rôle de Mentor intelligent et distant qu'il s'attribue auprès de Flaubert témoigne d'une suffisance grotesque, nous avons assez de témoignages de Flaubert lui-même pour admettre qu'en effet il entreprit d'écrire Madame Bovary à titre de pensum utile et précisément parce que le sujet lui répugnait. Parce qu'il lui fallait le grand décor romantique, il a voulu vivre à Yonville. Farce que la vie réelle chez le bourgeois lui était

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