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9^8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

i8 Mai

A présent que les beaux jours reviennent, j'ai de nou- veau pu sortir avec Gertrude, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps (car dernièrement encore il y a eu de nouvelles chutes de neige et les routes sont demeurées jusqu'à ces derniers jours dans un état épouvantable) non plus qu'il ne m'était arrivé depuis longtemps de me retrouver seul avec elle.

Nous marchions vite ; l'air vif colorait ses joues et ramenait sans cesse sur son visage ses courts cheveux blonds. Comme nous longions une tourbière je cueillis quelques joncs en fleurs, dont je ghssai les tiges sous son béret, puis que je tressai avec ses cheveux pour les maintenir.

Nous ne nous étions encore presque pas parlé, tout étonnés de nous retrouver seuls ensemble, lorsque Ger- trude, tournant vers moi sa face sans regards, me demanda brusquement :

— Croyez-vous que Jacques m'aime encore ?

— Il a pris son parti de renoncer à toi, répondis- je aussitôt.

— Mais croyez-vous qu'il sache que vous m'aimez ? reprit-elle.

Depuis la conversation de l'été dernier que j'ai rapportée, plus de six mois s'étaient écoulés sans que (je m'en étonne) le moindre mot d'amour ait été de nouveau prononcé entre nous. Nous n'étions jamais seuls, je l'ai dit, et mieux valait qu'il en fût ainsi... La question de Gertrude me fit battre le cœur si fort que je dus ralentir un peu notre marche.

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