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922 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

heureux qu'il ait compris cela de lui-même. Il y a incon- testablement beaucoup de bon en lui.

Je soupçonne néanmoins que cette soumission de Jacques n'a pas été sans débats et sans luttes. Le fâcheux, c'est que la contrainte qu'il a dû imposer à son cœur, à présent lui paraît bonne en elle-même ; il la souhai- terait voir imposer à tous ; je l'ai senti dans cette dis- cussion que je viens d'avoir avec lui et que j'ai rapportée plus haut. N'est-ce pas La Rochefoucauld qui disait que l'esprit est souvent la dupe du cœur ? Il va sans dire que je n'osai le faire remarquer à Jacques aussitôt, con- naissant son humeur et le tenant pour im de ceux que la discussion ne fait qu'obstiner dans son sens ; mais le soir même, ayant retrouvé, et dans saint Paul préci- sément (je ne pouvais le battre qu'avec ses armes) de quoi lui répondre, j'eus soin de laisser dans sa chambre un billet où il a pu lire : « Que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu a accueilli ce dernier. » (Romains XIV, 2.)

J'aurais aussi bien pu copier la suite : «Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n'est impur en soi et qu'une chose n'est impure que pour celui qui la croit impure » — mais je n'ai pas osé, craignant que Jacques n'allât supposer en mon esprit, à l'égard de Gertrude, quelque interprétation injurieuse, qui ne doit même pas effleurer son esprit. Evidemment il s'agit ici d'aliments ; mais à combien d'autres passages de l'Ecri- ture n'est-on pas appelé à prêter double et triple sens ? (« Si ton œil... » MultipHcation des pains ; miracle aux noces de Cana, etc..) Il ne s'agit pas ici d'ergoter : la signification de ce verset est large et profonde : la res-

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