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LA SYMPHONIE PASTORALE 917

La naïveté de ses aveux, leur franchise même me rassu- raient. Je me disais : c'est une enfant. Un véritable amour n'irait pas sans confusion, ni rougeurs. Et de mon côté je me persuadais que je l'aimais comme on aime un en- fant infirme. Je la soignais comme on soigne un malade, — et d'un entraînement j'avais fait une obligation mo- rale, im devoir. Oui, vraiment, ce soir même où elle me parlait comme j'ai rapporté, je me sentais l'âme si légère et si joyeuse que je me méprenais encore, et encore en transcrivant ces propos. Et parce que j'eusse cru répré- hensible l'amour, et que j'estimais que tout ce qui est répréhensible courbe l'âme, ne me sentant point l'âme chargée je ne croyais pas à l'amour.

J'ai rapporté ces conversations non seulement telles qu'elles ont eu lieu, mais encore les ai-je transcrites dans une disposition d'esprit toute pareille ; à vrai dire ce n'est qu'en les relisant cette nuit-ci que j'ai compris...

Sitôt après le départ de Jacques — auquel j'avais laissé Gertrude parler, et qui ne revint que pour les der- niers jours de vacances, affectant ou de fuir Gertrude ou de ne lui parler plus que devant moi — notre vie avait repris son cours très calme. Gertrude, ainsi qu'il était convenu, avait été loger chez Mademoiselle Louise, où j'allais la voir chaque jour. Mais, par peur de l'amour encore, j'affectais de ne plus parler avec elle de rien qui nous pût émouvoir. Je ne lui parlais plus qu'en pasteur, et le plus souvent en présence de Louise, m'occupant surtout de son instruction religieuse et la préparant à la communion qu'elle vient de faire à Pâques.

Le jour de Pâques j'ai, moi aussi, communié.

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