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��POESIE ET MEMOIRE

��Les regards perdus dans la fourrure de ces blaireaux et renards alternés dont les gueules s'affrontent au centre du tapis, je goûte l'heureuse fatigue d'une journée de chasse et j'écoute la fille du gentilhomme fermier, qui s'est assise au piano.

En attendant le dîner, dont les prémices odorants leur viennent par bouffées, les chasseurs donnent quelques minutes d'attention courtoise à la demoiselle de céans. Elle vient d'ouvrir sur le pupitre un ancien recueil de romances. Un poète aux cheveux orageux, aux pantalons à sous-pieds, y rêve à la cime d'un rocher romantique. Des amants de keepsake lèvent des yeux extasiés vers le gris clair de lune des lithographies. Dans ce manoir nor- mand, le fox-trott, le tango n'ont pas pénétré, ni même les valses lentes du temps de la dernière Exposition uni- verselle.

Et voici qu'elle chante, d'une voix fruste et fraîche de couventine. Dans le salon où le soir est entré, où les ors des cadres Louis-Philippe se teignent d'un reflet mourant de l'astre en flammes, les vers divins ont pris leur vol :

Ainsi toujours poussé vers de nouveaux rivages Dans la nuit éternelle emportés sans retour,..

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