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800 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas — elles ont la vigueur, la suavité, l'éclat, elles débordent d'images savoureuses et décisives ; elles ont aussi la sagesse même pour les non-croyants, car elles prêchent un amour qui ne s'abstient pas et une volonté qui n'admet pas d'obstacles, Joergensen n'eût-il que vulgarisé leur leçon, qu'il aurait beaucoup fait pour nous. Il a fait encore davan- tage. Il a rendu le souffle, la couleur et le mouvement à un temps aboli qu'on s'aperçoit soudain n'être pas si lointain, si étranger, si différent du nôtre que l'histoire nous le repré- sente. Il a traité l'histoire comme le romancier traite la vie, directement. La supériorité de sa Catherine de Sienne sur on Saint François vient de là ; je mets à part les parties narratives et descriptives de celui-ci, où tout son amour s'épanchait et qui restent inimitables. Il a renoncé cette fois, et je l'en loue, à mêler au récit la critique des textes ; tout l'appareil scientifique est rejeté dans un appendice final. Ayant fait ses preuves de loyauté et de sagacité dans son premier ouvrage, il sait que le public de bonne foi lui fait confiance désormais ; ce qu'il tient pour vrai, il le dit ; quand il ne fait que supposer, il le remarque, et toute sa matière est si bien digérée que le récit se développe égal et sûr. C'est un récit à la française, sans bosses, sans tirades, sans ornements, mais rempli d'agréments de toutes sortes. Johannès Joergensen s'est imposé en Danemark, malgré son schisme; réjouissons-nous que, là-haut, un écrivain de sa valeur donne à ses compatriotes l'exemple de la façon logique, calme et nuancée dont fonctionne l'esprit chez nous.

HENRI GHÉON

LES CLOPORTES, roman par Jules Renard (Crès et C").

Il ne s'agit point ici d'analyser dans son ensemble l'œuvre de Jules Renard. Voici de lui un livre posthume, et qu'il s'est toujours refusé à pubUer. Ce n'est jamais sans

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