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792 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'un auteur qui n'était venu de si loin que pour nous entre- tenir de ses voyages d'Italie, d'Assise et du bon Saint Fran- çois. Nous attendions d'autres breuvages ; non le Chianti, mais l'hydromel. Voici l'occasion de réparer notre oubli, notre erreur.

Il n'est pas possible de détacher de sa vie les ouvrages de Joergensen. Dans le groupe de Georges Brandès où il débuta jeune il n'était pas le moins brillant. Nature délicate, rêveuse, mais entière, il secoua le protestantisme pour épouser avec violence l'immoralisme et l'athéisme nietzschéen. Il était désigné pour mener à l'assaut la horde. Or, au cours d'un voyage en Bavière, puis en Ombrie, il rencontra la liturgie, dont il ignorait jusqu'au nom, c'est-à-dire la per- sonne même de l'Eglise avec son port de tête, sa démarche, sa grande voix. Etant artiste, il la trouva si belle qu'il voulut l'admirer de près. Il y fut pris. La liturgie l'attira dans un cloître et, là, le présenta au « Poverello », Saint François. Quand il rentra dans son pays, ses amis eurent peine à le reconnaître. Il rapportait la certitude intime d'avoir approché non un mythe, non le plus beau des mythes, mais la plus exacte réalité : hélas ! aussi la plus pressante. Pour- tant, il ne se rendait pas. « Alors — je le laisse parler — il s'aperçut tout à coup d'une vérité singulière : il comprit qu'il y avait en lui une répugnance préconçue contre le miracle et que c'était lui-même qui, de toutes les forces de son âme, s'opposait à l'admission des pensées religieuses. Il constata qu'il y avait en lui une volonté formelle de ne pas croire et que c'était uniquement à cause d'elle qu'il s'obstinait à suggérer des arguments à son incroyance. » Il brisa cette volonté, qui est volonté propre, amour-propre et orgueil, et il mit désormais sa plume avec « toutes les forces de son âme » au service de ses nouvelles et définitives con- victions.

Léon Bloy, devant qui il avait trouvé grâce — et c'est

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