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LA SYMPHONIE PASTORALE 763

— Non, me dit-il. Peut-être sent-elle dé (à mon amour ; mais je ne le lui ai point avoué.

— Eh bien ! tu vas me faire la promesse de ne pas lui en parler encore.

— Mon père, je me suis promis de vous obéir ; mais ne puis- je connaître vos raisons ?

J'hésitais à lui en donner, ne sachant trop si celles qui me venaient d'abord à l'esprit étaient celles mêmes qu'il importait le plus de mettre en avant. A dire vrai la conscience bien plutôt que la raison dictait ici ma conduite.

— Gertrude est trop jeune, dis-je enfin. Songe qu'elle n'a pas encore communié. Tu sais que ce n'est pas une enfant comme les autres, hélas ! et que son développement

a été beaucoup retardé. Elle ne serait sans doute que^ trop sensible, confiante comme elle est, aux premières paroles d'amour qu'elle entendrait ; c'est précisément pourquoi il importe de ne pas les lui dire. S'emparer de ce qui ne peut se défendre, c'est une lâcheté ; je sais que tu n'es pas un lâche. Tes sentiments, dis-tu, n'ont rien de répréhensible ; moi je les dis coupables parce qu'ils sont prématurés. La prudence que Gertrude n'a pas encore, c'est à nous de l'avoir pour elle. C'est ime affaire de conscience.

Jacques a ceci d'excellent, qu'il suffit, pour le retenir, de ces simples mots : « Je fais appel à ta conscience » dont j'ai souvent usé lorsqu'il était enfant. Cependant je le regardais et pensais que, si elle pouvait y voir, Ger- trude ne laisserait pas d'admirer ce grand corps svelte, à la fois si droit et si souple, ce beau front sans rides, ce regard franc, ce visage enfantin encore mais que sem-

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