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LA SYMPHONIE PASTORALE 761

Il parlait posément, comme on lit un livre, achevant ses phrases avec autant de calme, semblait-il, que s'il ne se fût pas agi de lui-même. L'extraordinaire possession de soi dont il faisait preuve achevait de m'exaspérer^ Sentant que j'allais l'interrompre, il leva la main, comme pour me dire : non, vous pourrez parler ensuite, laissez- moi d'abord achever ; mais je saisis son bras et le secouant:

— Plutôt que de te voir porter le trouble dans l'âme pure de Gertrude, m'écriai- je impétueusement, ah ! je préférerais ne plus te revoir. Je n'ai pas besoin de tes aveux ! Abuser de l'infirmité, de l'innocence, de la candeur, c'est une abominable lâcheté dont je ne t'aurais jamais cru capable ; et de m'en parler avec ce détestable sang- froid !... Ecoute-moi bien : j'ai charge de Gertrude et je ne supporterai pas un jour de plus que tu lui parles, que tu la touches, que tu la voies.

— Mais mon père, reprit-il sur le même ton tranquille et qui me mettait hors de moi, croyez bien que je respecte Gertrude autant que vous pouvez faire vous-même. Vous vous méprenez étrangement si vous pensez qu'il entre quoi que ce soit de répréhensible, je ne dis pas seulement dans ma conduite, mais dans mon dessein même et dans le secret de mon cœur. J'aime Gertrude, et je la respecte, vous dis-je, autant que je l'aime. L'idée de la troubler, d'abuser de son innocence et de sa cécité me paraît aussi abominable qu'à vous. Puis il protesta que ce qu'il vou- lait être pour elle, c'était un soutien, un ami, un mari ; qu'il n'avait pas cru devoir m'en parler avant que sa résolution de l'épouser ne fût prise ; que cette résolution, Gertrude elle-même ne la connaissait pas encore et que c'était à moi qu'il en voulait parler d'abord. — Voici

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