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680 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

n'existe pour moi que si quelqu'un la saisit et m'en donne le sentiment.

Tant que je suis seule, je suis comme quelqu'un qui n'a point de corps, pas de position, nul visage.

Seulement, si quelqu'un vient.

Me prend et me serre entre ses bras.

C'est alors seulement que j'existe dans un corps. C'est par lui seulement que je le connais.

Je ne le connais que si je le lui ai donné. Je ne com- mence à exister que dans ses bras.

ORIAN. — C'est ainsi que vous vous donnerez à lui ?

PENSÉE. — Il le faut donc, Orian ? dites-moi.

Silence.

ORIAN. — Non, Pensée, il ne le faut pas. Il ne faut pas que ma chère Pensée soit à un autre qu'à moi seul.

Silence.

Vous ne dites pas im mot ?

PENSÉE. — Ce sont des paroles longues à pénétrer.

ORIAN. — Votre cœur y est-il sourd ?

PENSÉE. — Qui s'est habitué au malheur, la joie ne le trouve pas si prompt.

ORIAN. — Bientôt nous serons séparés.

Bien séparés cette fois, et si c'est de la douleur que vous attendez de moi

Tout à l'heure celle qui nous attend l'un et l'autre a de quoi suffire.

PENSÉE. — Il est nécessaire que nous soyons séparés, Orian ?

ORIAN. — Il est nécessaire que je ne sois pas un heureux ! Il est nécessaire que je ne sois pas im satisfait !

Il est nécessaire qu'on ne me bouche pas la bouche et

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