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668 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

esprits comme Taine d'échapper à la métaphysique alle- mande ; elle a prolongé, sans toutefois l'enrichir d'apports nouveaux, l'action du positivisme; et, encore aujourd'hui, elle serait nécessaire pour combattre la dialectique et rappeler la simplicité des démarches logiques. Mais là doit s'arrêter l'échange. Car nous ne tendons pas depuis tant de siècles à nous affranchir de toute tutelle religieuse pour remplacer la rehgiosité allemande par la rehgiosité anglo-américaine. Si cette substitution peut être relevée chez certains spiritualistes contemporains, elle a été faite au mépris de nos traditions rationalistes. Aussi les résis- tances que le Pragmatisme a rencontrées en France sont légitimes; elles doivent être maintenues. Car le peuple américain fait l'apprentissage de la pensée. Il vient de s'apercevoir que la vie matérielle n'est pas tout ; que l'homme n'épuise pas, même en des labeurs gigan- tesques, son activité ; qu'il existe aussi une vie spirituelle. Sa religiosité, son inquiétude morale, son idéalisme sont l'expression lyrique et confuse de cette découverte. Partout, chez James comme chez Emerson, se retrouve une même tentative pour constituer des traditions Intel lectuelles. Et l'Amérique est vraisemblablement appelée à connaître, maintenant que son union nationale se fait au sortir de cette guerre, une crise intellectuelle qu'elle soupçonne à peine : au prix du scepticisme elle apprendra que la vérité, même relative et transitoire, ne se per- suade pas, mais se démontre.

Le Nouveau Monde peut être le champ magnifique d'une expérience humaine sans apporter un terme à la pensée européenne. Sans doute, nous devrons beaucoup à la nation qui fit le don de sa jeunesse. Mais, si nous tenons

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