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666 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pant presque aux observateurs les plus attentifs, un double mouvement de ségrégation et de coalescence emporte les sociétés et modifie profondément la physionomie des peuples. Des forces meurent. Des forces embryonnaires apparaissent. Des courants se forment ; des idées nouvelles s'ébauchent. De tout cela autant que des événements politiques est faite l'atmosphère dans laquelle nous vivons. C'est à cette réalité spirituelle au moins autant qu'aux facteurs matériels que nous avons affaire pour résoudre les problèmes d'après-guerre.

En présence de cette réalité, une attitude expérimentale s'impose. Or elle ne saurait s'improviser. Aucun aspect de la réalité ne s'appréhende, comme le croient les philo- sophies paresseuses, du dedans et par intuition. La signi- fication du milieu ambiant qui souvent détermine nos actes ne se révèle pas immédiatement. Ce que chacun de nous en pressent est fragmentaire, enveloppé d'une gangue affective. Une s^iithèse est nécessaire qui n'est l'œuvre ni d'un individu ni d'un jour. Mais chacun peut obtenir le détachement de soi-même et soumettre les faits à une investigation qui autorise une opinion raisonnée et une volonté droite. On s'imagine communément que nous sommes tous égaux devant l'expérience. Or l'expé- rience des réalités collectives, comme l'expérience de la vie intérieure, exige, pour être féconde, les délicatesses, les tâtonnements, l'impartiaUté d'une expérience scienti- fique faite dans un laboratoire. Elle exige la même disci- phne intellectuelle. Se pher aux circonstances, ne pas les affronter pour en pénétrer la leçon latente, c'est les subir sans plus. Trop de facilité à s'adapter, trop de souplesse sont même parfois, autant que signe de médiocrité

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