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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 663

Flaubert poursuivent, sans aucune arrière-pensée morale, avec la netteté d'un clinicien, l'exploration du cœur humain, cependant que le roman social se constitue avec Zola qui les reconnaît comme ses maîtres. Taine reprend les études psychologiques au point où les idéologues les avaient laissées. Comte discerne, sous les fluctuations poHtiques, la constance des forces sociales et tente d'en pénétrer la nature.

Ainsi, à la suite de Stendhal, dispersés dans tous les domaines avec une prodigalité heureuse, les libres esprits continuent à sentir et à penser à la française. Ils demeurent en contact avec l'esprit du xviii® siècle. Suspects pour avoir lutté contre la paresse et l'engourdissement roman- tiques, ils ont été tenus pour la plupart en dehors de la pensée officielle. Le merveilleux enseignement qu'ils appor- taient à la jeunesse a été méconnu ; ils n'ont pas eu les honneurs du collège. Certains ont vécu dans l'oubli ; d'autres ont connu le mépris plus douloureux encore que le silence. Ils n'en avaient cure. Ils ont consacré leur vie à une œuvre durable, sachant que le secret des créateurs est dans la persévérance ; ils se consolaient peut-être aussi en estimant avec Balzac que « les grands ouvrages font justice des petits ennemis ».

Pourtant, ils ont été nos maîtres véritables. Parmi leurs contemporains ils ont mieux senti, mieux vu, mieux compris. Et ils ont aimé davantage. Ils ont eu et donné ce qui fait notre orgueil : la conscience. Et ils ne sont pas seulement la conscience de leur époque ; en eux l'esprit français se retrouve. Il faut les unir et les rapprocher, sans craindre l'épithète de dilettante, appHquée aux esprits qui entendent dominer toutes les idées, toutes les émotions

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