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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 653

avec le xvni® siècle. Il profite de toutes les confusions' de toutes les ignorances ; il entraîne après soi toutes les forces conservatrices. Il va chercher loin de la tradition française, dans la religiosité allemande semi-catholique et semi-protestante et dans le romantisme de Schelling, ses thèmes et ses prétextes. Ayant la vitalité des courants qui servent les intérêts des groupes, il survit aux journées révolutionnaires de 1848, à la proscription impériale qui bâillonne l'Université de 1852 à 1864 ; et il réapparaît poiu: empnmter à Ravaisson le prestige de son talent 1. Même après 1870, bien des intelligences ne réussissent pas à s'en affranchir. Par son intermédiaire, elles se mettent à l'école de la philosophie allemande. Et, là-bas, elles ne pressentent ni ne discernent le développement du machi- nisme, les appHcations techniques de la science, l'accroisse- ment constant des exportations commerciales, le besoin de débouchés nouveaux, la naissance d'une politique mondiale menaçant l'équihbre européen. De tout ce travail qui inquiète Nietzsche et qui transforme la pensée elles ne devinent rien. Méphistophélès les guide toujours à travers l'Allemagne.

De la sorte (et jusqu'en 1914), la philosophie est devenue trop souvent une manière d'art quand elle n'est pas une théologie bâtarde. La religiosité, le moralisme, le mysticisme sont les qualités auxquelles se reconnaît un « esprit philosophique ». Tout est vu sous l'espèce du bien et sous l'espèce du beau. Les penseurs allemands nous fournissent les types. Faust, qui n'avait fait que visiter BerHoz et Delacroix, s'installe à demeure

I. Cf notre article sur La Doctrine de Ravaisson et la Pensée moderne {Revue de Métaphysique et de Morale, mai-juin 191 9).

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