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^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

C'est que, sous la Restauration, les besoins philosophiques se confondent avec les besoins religieux. La pensée ne tend qu'à rendre plus fermes et plus assurées les croyances. Dieu et l'immortalité de l'âme demeurent les questions primordiales. Mais on a tenu à substituer à la discussion des dogmes théologiques, qui exige, somme toute, une dialectique serrée et de l'esprit de suite, le témoignage infaillible de la conscience morale. D'ailleurs, le goût du schisme est assez prononcé; la morale règne; la raison pratique l'emporte sur la raison spéculative. Et la science est lettre morte sans l'esprit métaphysique dont les for- mules donnent, comme autant d'opérations magiques et hermétiques, le secret des choses et du monde.

Et l'œuvre de la Restauration se prolonge sous la Monarchie de Juillet. L'action d'une classe bourgeoise prospère et détentrice du pouvoir amène la pensée à composition sous couleur de libéralisme. Balzac, son peintre, n'a pas l'ironie d'Henri Monnier ; les philosophes, sous peine d'être notés de « matérialisme », deviennent des directeurs de conscience encore plus accommodants que les jésuites. Le spiritualisme cesse alors d'être le grand système que Malebranche et Maine de Biran ont pu conce- voir. « Par l'éloquence de la parole, le concours de la théologie chrétienne, la propagation de l'enseignement classique, il devient une sorte d'institution sociale ^. » Il sert la poUtique qui s'efforce de capter les idées révolu- tionnaires pour leur interdire l'avenir. Il se retourne à la fois contre les doctrinaires et contre Auguste Comte qui renoue, par l'entremise des idéologues et des médecins,

I. Vacherot, La situation philosophique en France {Revue des Deux Mondes, juin 1868).

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