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��LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 645

l'Allemagne est un fait de même nature que la cessation d'échanges commerciaux. Mais elle répond encore à des raisons plus profondes et plus subtiles. A l'état de paix, les échanges portent sur des systèmes de représentations, science, philosophie, art, religion, dont le caractère est international en ce sens qu'ils sont des modes de l'activité humaine ne correspondant pas à une structure sociale déterminée. Certaines aspirations collectives, certaines doctrines, certaines découvertes surgissent parfois dans plusieurs nations simultanément, et semblent être surtout l'expression d'une époque. Les mouvements de toutes sortes se propagent, se transmettent et circulent à travers le monde. De fait, au cours du xix^ siècle, les esprits instruits des différentes nations possédaient une somme de connaissances à peu près identiques. Ils étaient bien près de penser les mêmes réalités de la même manière. Sous l'action de la science qui semblait devoir hériter du caractère universel, catholique, de la rehgion, l'accord des esprits paraissait se réaliser. Et quelques critiques, sensibles à cette transformation lente, pouvaient en pres- sentir les conséquences et annoncer, sans trop d'invrai- semblance, la constitution d'un esprit européen.

Mais la guerre a été révélatrice des peuples en dégageant leur être intime. Les collectivités en état de défense, ramas- sées sur elles-mêmes, se sont dépouillées des attitudes apprises. Alors seulement il est devenu évident qu'elles possèdent une physionomie propre, des caractères inimi- tables et irréductibles. L'antagonisme des mœurs, des conceptions juridiques, de la sensibihté s'est révélé. Notre bonne foi surprise a pu découvrir dans l'Allemagne contemporaine bien des aspects que le commerce intellec-

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