Page:NRF 13.djvu/651

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 643

semblables travaux se sont retournés contre leurs auteurs. Ils ont jeté la suspicion sur la pensée française d'avant- guerre qui vivait normalement d'échanges avec toutes les nations européennes. Et ils ont permis aux anti-intellec- tualistes de remporter une victoire à la Pyrrhus.

Devant une telle confusion, il ne faut pas regretter seulement le manque de discernement qu'elle implique. Elle crée encore un état de déséquilibre et de malaise qui est un danger pour la pensée française. Par un retour singulier, ce sont les mêmes esprits qui étaient le plus ouverts aux influences étrangères qui, aujourd'hui, les dé- noncent. Ils avaient engagé la jeunesse française d'avant- guerre en lui donnant des directions, en lui imposant des programmes, en limitant ses curiosités. Ils auraient dû accepter en silence la leçon des faits et personne n'eût songé à leur reprocher leur erreur. Maintenant qu'ils ont donné le spectacle d'un reniement douloureux, que reste-t-il des idées professées ? Les mots apparaissent vides de sens et comme privés de vie ; les formules se désagrègent ; les systèmes dialectiques s'écroulent. Cepen- dant il y a là de jeunes hommes. Quel est leur partage, sinon l'inquiétude ? Quels conseils peuvent-ils recevoir d'aînés qui n'ont pas su conserver une tradition véri- table ? Les mdtres intellectuels que l'opinion se donnait hier encore n'ont pas su conserver la tradition catholique qui avait bien sa grandeur quand un Malebranche s'en faisait l'interprète, ni la tradition libre-penseuse du xviii^ siècle. Ils ont cru à la solidité des compromis ; ils ont cru que Ton transige avec la vérité comme on transige avec les consciences. Maintenant ils prononcent la faillite de l'intelligence avec la sourde haine de l'ilote

�� �