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6o6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

contamination de l'aventure et du romanesque. Cela est lié à l'être même de notre race : il fallait la guerre pour que la Vie Parisienne connût ce fabuleux succès que ne lui pouvaient même assurer autrefois les hommes d'esprit groupés autour de Marcelin; et les femmes d'Hérouard, collées dans tous les bureaux de compagnie et toutes les guitounes d'officiers, sont devenues l'art propre aux tranchées françaises, comme les rennes, les bœufs sauvages, et les mammouths peints ou gravés au trait étaient l'art propre d'une civilisation troglodyte plus ancienne. Le romanesque a fructifié sur cette aventure de cinq ans comme sur son terreau naturel et il prendra bien d'autres formes que les romans de M. Benoît. N'imaginez-vous pas M. Jean Girau- doux nous donnant un roman romanesque pur qui exclurait l'aventure aussi rigoureusement que le roman d'aventures anglais exclut le romanesque ?

N'oublions pas que l'année même qui précéda la guerre on appelait une renaissance du roman d'aventures. Les lecteurs de la Nouvelle Revue Française se souviennent de l'article publié sous ce titre par Jacques Rivière, et ils se souviennent du Grand Meaulnes. Or, le Grand Meaulnes reste aujourd'hui et restera peut-être longtemps encore le chef-d'œuvre de l'art que comporte le roman d'aventures conçu à la française, c'est-à-dire le roman romanesque d'aventures ou le roman de l'aventure romanesque. Alain Fournier s'était placé avec un art parfait au fil de cer- taines nécessités. D'abord il avait compris que l'aventure romanesque n'est purement belle que dans un milieu d'en- fants : un enfant romanesque est poétique ; une vieille demoiselle romanesque ne l'est pas, et Bélise n'appartient qu'à la comédie. Puis l'aventure romanesque de Meaulnes vient du dedans et non du dehors, est donnée par l'effet de l'imagination naturelle, non par un accident comme celui qui engage Vignerte dans une cour d'Allemagne ou le

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