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604 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

faut-il rappeler qu'il est pareillement absent de l'œuvre où toute la race anglo- ScLxonne a reconnu pendant vingt ans son âme d'énergie aventureuse, celle de Rudyard Kipling ?

Voilà donc un trait constant du roman d'aventures, et fort naturel, puisque le roman d'aventures est par excellence le roman de l'action et le roman d'analyse le roman de la passion. La passion n'est introduite dans le roman de l'action que comme élément de détente ou de comique. On admet parfaitement que le vaisseau de l'aventure porte son poltron innocent et passif, son Toussaint Lavenette. Il pourrait porter aussi son amoureux. On attend Dulcinée autour de don Quichotte alors qu'on ne saurait imaginer une Dulcinée sérieuse de Robinson et de Cavor. Or, les of&ciers français qui dans les deux romans de M. Benoît représentent l'aven- ture vont bien à l'aventure pour des Dulcinées. L'aventure française, contrairement à l'aventure anglaise, se présente avec Vodor di femina, plus qu'avec celle de l'embrun et du large. Aussi garde-t-elle quelque chose d'artificiel, et nous vérifions ici à la manière de Brunetière, une bonne loi des genres.

M. André Beaunier, étudiant récemment dans la Revue des Deux Mondes les romans de M. Benoît, intitulait son article : Une Renaissance du roman romanesque. Et je ne sais pas si le roman romanesque était si mort que cela, puisque M. Marcel Prévost, qui écrit encore, avait déjà prétendu le faire renaître d'une mort peut-être aussi hypothétique. Mais enfin c'est bien cela : les romans de M. Benoît sont moins des romans d'aventures que des romans romanesques, et tout roman d'aventures traité par un Français tendra au roman romanesque.

Le roman romanesque n'est d'ailleurs pas très facile à définir. Pratiquement, c'est le roman qui satisfait l'esprit romanesque, c'est-à-dire imagine et fait imaginer l'amour non comme venu d'un intérieur et mêlé à la trame ordinaire

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