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570 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Et moi, pauvre Pensée,

Ce qui a été refusé une fois, comment faire désormais pour le donner ?

Ces ténèbres dont on n'a pas voulu, cette âme rebutée, cette âme, l'unique chose qui fût à moi, si pauvre, mais cependant unique, — ces ténèbres que j'offrais n'ayant pas autre chose à donner, —

Il faudra une bien grande lumière désormais, pour en venir à bout !

ORIAN. — Que puis-je faire, Pensée ?

PENSÉE. — Il est juste que vous préfériez votre âme à la mienne.

ORIAN. — Juste ou non, oui, malgré ce lâche cœur qui me trahit, oui, malgré cet affreux appétit de bonheur,

Pendant que j'ai encore assez de raison pour en juger.

Ce dont j'ai besoin, je sais qu'il n'est pas en votre pouvoir de me le donner.

PENSÉE. — Est-ce que la joie existe, Orian ?

ORIAN. — Ah ! est-ce qu'il ne faut pas qu'elle existe pour que je la préfère à vous ?

Elle existe ! Et mon seul devoir est de l'atteindre.

PENSÉE. — Que ferons-nous des autres ?

ORIAN. — En seront-ils plus vivants si je péris ?

PENSÉE. — Qu'ils périssent donc !

ORIAN. — Mon devoir n'est pas avec eux.

PENSÉE. — Il est contre eux. Ce peuple qui est de votre sang, à cette heure qu'il demande à vivre et que tous ses membres cherchent comme un corps qui ressuscite à se rejoindre,

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