568 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Les morts sans moi sont assez bons pour ensevelir les morts.
PENSÉE. — Et n'est-ce pas un mort que vous défendez, cette idole que vous appelez le Pape ?
ORIAN. — Christ aussi dont le Pape est l'image est un mort.
PENSÉE. — Quelle part donc réclame-t-il parmi nous ?
ORIAN. — Pas plus large que la croix.
PENSÉE. — Le Christ n'a pas eu de terre à lui.
ORIAN. — Assez pour que la croix y fût plantée.
PENSÉE. — La croix est la souffrance.
ORIAN. — Elle est la rédemption.
PENSÉE. — Nous ne voulons pas de la souffrance !
ORIAN. — Qui tuera donc en nous ce qui était capable de mourir ?
PENSÉE. — Nous ne voulons pas de la souf- france.
ORIAN. — Vous ne voulez donc point de la joie.
PENSÉE. — Nous ne voulons pas de la joie ? C'est à moi que vous dites que je ne veux pas de la joie ? La joie, Orian ! Ah, quel mot avez-vous prononcé ?
ORIAN. — Demain, vous épouserez mon frère.
Silence.
PENSÉE. — Dois- je croire que vous le désirez ? Dois-je croire que vous désirez qu'il y ait ce Uen entre nous ?
ORIAN. — Non pas un Hen, mais quelque chose d'irré- parable entre vous et moi, il le faut.
PENSÉE. — Et c'est pourquoi vous avez eu tellement hâte de me parler pour lui ?
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