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554 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

je vois devant moi et que j'ai teint aimé (mais les femmes ne deviennent intéressantes qu'à cinquante ans), plein de désirs et de résolution,

La Sibylle colorée par le reflet de l'eau verdâtre, la sorcière Marse, la vivandière de Garibaldi, le cri perçu à midi, qui appelle les moissonneurs sous le chêne Sam- nite!

LADY U. — Qu'est-ce donc que Rome, s'il vous pldt ?

LE PRINCE. — Eh, vous le savez mieux que moi !

Lorsque j'étais enfant nous avions une terre qui n'était pas éloignée des rapides du Borysthène,

Et tout le joiu: sans interruption, toute la nuit,

On entendait l'immense affaire de ce fleuve qui se pré- cipite (jamais je n'ai eu la curiosité d'aller le voir),

Avec un grand bruit de bronze

Et depuis, j'ai mené ma vie d'exilé, poussière, quoi! danse d'atome,

(Que tout cela, d'où je suis, me paraît confus, et sombre, et embrouillé, oui, ce fut ma vie !)

Avec parfois un de ces heureux moments de plénitude,

L'amour, le succès, ou quelque chose tout à coup, sans cause et inopinément conune la grâce.

Où l'on est roi, maître de tout, où l'on fournit de l'in- connu, où l'on fait son petit paraphe de phosphore !

Mais toujours quand je prête l'oreille là-bas, j*ai le sentiment de ce fleuve qui tonne, le bruit de ces étemelles cataractes !

Voilà ce qu'est Rome, pour moi, quelque chose de solennel et de sous-entendu, la majesté en silence de quel- que chose où nous sommes, qui n'est pas de nous et qui ne dépend pas de nous.

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