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son cœur tendre mais « flanchard » qu’il pouvait souhaiter la liberté et le droit de faire tout ce qu’il voudrait. Rien ne pouvait être plus étranger à cet être sensible et faible que notre dur idéal d’indépendance et de labeur.

Rien ne pouvait lui être plus odieux. Le Russe a contre le libéralisme une hostilité de principe et, si l’on peut dire, de complexion. Il faut comprendre le sens profond de sa haine pour l’Anglais. Cet homme calme et fort, bien campé, bien équipé, muni de son « habeas corpus » comme d’une sorte de waterproof et qui pense d’abord à faire des affaires et à s’assurer une honnête place dans le monde, cet homme droit, simple, court, paisible et impitoyable, ce grand fabricant de richesse, le Russe lui en veut comme à sa plus exacte antithèse.

Il exècre son aisance dans les deux sens du mot et cette manière qu’il a de se suffire. Il ne peut pas supporter un être qui se tient debout tout seul, qui va, qui vient, qui marche, sans jamais penser aux autres que pour les respecter. Il lui découvre un affreux égoïsme ; ses entrailles s’émeuvent contre tant d’assurance et d’isolement.

Non, certes, jamais il ne s’éprendra d’un idéal aussi bref et aussi féroce que le libéralisme. Quel usage y pourraient bien trouver ses vertus craintives ? Comment y adapterait-il son âme communicative et balbutiante ?

Il ne se trouve pas ainsi séparé, agressif. Il n’a aucune envie de gagner de l’argent et de se « faire une situation ». Il n’a besoin d’aucune loi qui vienne protéger son initiative ; et d’abord pour cette bonne raison que d’initiative il n’en a pas.

Au contraire, il a besoin de faire reconnaître et sanctionner avant tout son état naturel qui est une combinaison