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486 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fut aussi bien le seul à retrouver la paix conjugale. Cepen dant que le retiennent Calypso, Circé, Nausicaa, les Sirènes, dix ans (n'est-il pas le fils de Sisyphe ?) dans Ithaque l'attend une Pénélope fidèle. Mais les autres, s'ils sont si pressés de rentrer, n'est-ce pour ne trouver à leur foyer délaissé que désordre, épouvante et ruine ?

Je ne sais, mais il doit y avoir une raison. Agamemnon, Ajax, fils d'Oïlée, Idoménée, Diomède, tous, vous dis-je, précipités vers un péril

Qu'il leur fallait chercher,

sont accueillis à leur retour par l'adultère, le meurtre, la trahison, l'exil, et les crimes les plus affreux ; et c'est vers cela qu'ils se hâtent. Tandis qu'Ulysse qui, seul d'entre eux tous, doit retrouver à son foyer, fidélité, vertu, patience, en reste dix ans séparé par mainte traverse, et je crois aussi par sa curiosité vagabonde, l'inquiétude de son humeur. Il y a un peu de Sindbad dans Ulysse ; et je sais bien qu'il regrette Ithaque, mais c'est pressé par un revers et à la manière de Sindbad, ce qui n'empêchait point ce dernier, sitôt rentré, de repartir. Il semble qu'Ulysse pressentît que ne l'attendait à son foyer point d'aliment pour son inquiétude et que son industrie y demeurerait inemployée. Est-ce l'absence de péril pres- sentie et la tranquilHté d'Ithaque qui le fait atermoyer ainsi son retour ?

Et j'admire en Thésée une témérité presque insolente. A peine à la cour de Minos, il suborne Ariane ; rien ne montre qu'il l'aime. Mais il se laisse aimer par elle aussi longtemps que cet amour peut le servir. Ce fil qu'elle attache à son bras est-ce pour le guider seulement ? Non :

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