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460 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

plusieurs dans son œuvre) où M. Rolland s'abandonne à dévider sans contrôle des pages qui lui chantent, mais qui laissent le lecteur plus froid. Evidemment on continue à lire leiivre, on sent que c'est tout de même, que c'est encore de quelqu'un, mais on demeure gêné parce que le courant de communication de l'auteur au lecteur ne s'établit pas, ce même courant qui circule et frémit avec la plénitude continue et dense d'une belle musique dans les épisodes parfaits de Jean-Christophe, dans V Adoles- cent, le Buisson Ardent, et d'autres, — ce courant que M. Rolland sent circuler entre son auteur et lui, ef qu'il sait nous rendre, quand il écrit la vie de Beethoven et celle de Michel- Ange. Ici, sans contestation possible, c'est manqué.

Pourquoi ce courant est-il à peu près absent de Colas Breugnon ? Il faut bien en chercher les raisons ou du moins en proposer quelques raisons tant à l'auteur qu'au lecteur, qui doivent désirer également les entendre.

On pourrait d'abord en alléguer une toute provisoire et superficielle. M. Romain Rolland appartient chez nous à ce groupe de lettrés français, qui tiennent à être de bons Euro- péens, qui croient justement à l'existence d'une Europe dont la France est une partie essentielle, et qui voient à la façade de la France de larges fenêtres ouvertes sur les hori- zons étrangers, — un de ces hommes dont la place eût été autrefois (un autrefois qui reviendra peut-être) à l'Université de Strasbourg. C'est un regard ouvert sur l'au-delà des fron- tières; et cela fit, dans son ensemble, de Jean-Christophe un grand morceau de littérarture européenne. Mais jusqu'ici M. Rolland a moins réussi lorsqu'il a porté son attention sur la France. Des trois parties de Jean-Christophe, Jean- Christophe à Paris demeure la moins bonne. M. Rolland n'a pas vu la France avec des yeux d'artiste aussi délicats, avec une âme aussi musicienne qu'il a abordé l'Allemagne. On sent qu'il n'a pas pénétré dans son pays par le portique

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