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428 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

que par ce qu'elles lui rapportaient. Ce mot : « Je suis saoul de gloire et affamé d'argent » est de Corneille ! Et puis, de ce que les rares documents authentiques sur Shakespeare sont des documents juridiques, faut-il conclure qu'il fut sur- tout un homme d'affaires ? M. Lefranc tourne avec raison en ridicule les critiques qui ont vu dans Hamlet une incar- nation de Shakespeare. Il serait, au point de vue stratfordien, amusant de le voir s'incarner en Shylock comme Henry Monnier s' est incarné en Prud'homme qui ressemblait tant à son auteur. Tant qu'on s'en tient à l'hypothèse stratfordienne, la personne de Shakespeare reste un x, prête à toutes les ima- ginations et le théâtre entier et l'auteur lui-même prennent le nom d'une de ses pièces : Comme il vous plaira. On peut se reposer, à la Montaigne, sur ce doute comme sur un mol oreiller de rêves qui prolongerait, en une harmonie prééta- blie le rêve enchanté des comédies shakespeariennes.

Quant à la seconde partie de l'argumentcifcon de M. Lefranc, la partie positive, elle est impressionnante. Je n'ai pas dissimulé l'attitude de défiance avec laquelle on aborde le livre, la mauvaise humeur que donne à l'intel- ligence critique le ton de M. Lefranc. Je reconnais d'autre part qu'il était difficile à un homme de faire sans enthou- siasme et sans passion de si curieuses découvertes. Les concordances trouvées par M. Lefranc entre le théâtre shakespearien et la carrière de William Stanley seraient presque inexplicables si les pièces que Stanley était, comme en fait foi le document certain des State Papers, occupé à écrire pour des comédiens professionnels ne sont pas celles de Shakespeare lui-même. Peut-être toutes les démonstrations de M. Lefranc n'ont-elles pas la même valeur, mais celle qui concerne Peines d'amour perdues reste assez troublante. Le moment n'est pas venu de se prononcer. C'est aux critiques anglais, plus habitués au maquis shakespearien que M. Lefranc lui-même, qu'il appartient de passer son ouvrage

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