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420 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

OU quand je la tourne, c'est volontairement : je mens.

— Quand avez-vous commencé à mentir ?

— Sitôt après la mort de ma mère. Un silence :

— C'est le mensonge qui attache à moi ma femme ; c'eît mon extraordinaire faculté de mentir. Quand elle l'a sentie, elle a quitté pour moi son mari, son enfant; elle a tout quitté pour me suivre. J'ai d'abord voulu l'aban- donner ; puis j'ai compris que je ne pouvais pas me passer d'elle : c'est avec elle que je mens le plus volontiers. Par- fois cela amène entre nous des scènes terribles. Mais c'est toujours le mensonge qui à la fin est le plus fort. Ce soir je pars la rejoindre ; nous devons nous marier dans deux mois. D'ici là nous allons vivre en Suisse ; en rentrant je vends tout ce que j'ai et tous deux nous vivons pour cent francs par mois.

Le déjeuner est fini ; il m'offre une cigarette dans le plus élégant étui que j'aie vu. J'admire aussi une boîte d'allumettes, en argent ainsi que l'étui ; les moindres objets qu'il porte sont d'un goût parfait, d'une élégance sobre et cachée.

— Oui, dit-il, j'aime passionnément l'élégance. Mais tout xela va être vendu. Oh! les vêtements que j'ai sur moi ont été quatorze mois dans ma valise ; il y paraît un peu...

Nous nous levons de table.

— A quelle heure est votre train ?

— A minuit moins le quart ; c'est le seul qui ait des troisièmes.

— Avez-vous quelqu'un à voir, quelque chose à faire à Paris ?

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