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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Pauline.

Que dis-tu, malheureux ? qu’oses-tu souhaiter ?

Polyeucte.

Ce que de tout mon sang je voudrais acheter.

Pauline.

Que plutôt.. !

Polyeucte.

C’est en vain qu’on se met en défense :
Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense.
Ce bienheureux moment n’est pas encor venu ;
Il viendra, mais le temps ne m’en est pas connu.


Je ne voudrais pas analyser ces vers. Et surtout je ne voudrais pas les mettre en prose. Et je ne voudrais pas les commenter. Autant que personne je sais que le vers et la prose sont deux êtres différents et sans communication et que dire la même chose en prose et en vers ce n’est pas dire la même chose. Et qu’il y a dans le vers une vertu propre, une destination propre. Tout ce que je voudrais retenir de cette admirable poétique c’est que Dieu prend l’homme pour ainsi dire sur ses mégardes. Mais que deviendra celui qui n’a pas même des mégardes.

Dieu prend l’homme sur ses défenses. Mais que deviendra celui qui ne se met pas même en défense.

Remarquons bien que le propos de Corneille est ici le contraire du nôtre. Ou plutôt c’est notre propos qui est le contraire et le complémentaire de celui de Corneille. Le propos de Corneille c’est l’histoire de Polyeucte. C’est l’histoire d’un martyr et d’un saint. C’est la floraison de la grâce et c’est la fructification du sang. Notre malheureux