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des ballets russes, — un peu du style sombre de Pascal, — beaucoup d’impressions du type Goncourt, quelque chose de Nietzsche, — quelque chose de Rimbaud, — certains effets dus à la fréquentation des peintres, et parfois le ton des publications scientifiques, — le tout parfumé d’un je ne sais quoi de britannique difficile à doser !... Observons, en passant, que dans chacun des composants de cette mixture, on trouverait bien d’autres corps. Inutile de les rechercher : ce serait répéter ce que je viens de dire sur le modernisme, et faire toute l’histoire mentale de l’Europe.

Maintenant, sur une immense terrasse d’Elsinore, qui va de Bâle à Cologne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais de la Somme, aux craies de Champagne, aux granits d’Alsace, — l’Hamlet européen regarde des millions de spectres.

Mais il est un Hamlet intellectuel. Il médite sur la vie et la mort des vérités. Il a pour fantômes tous les objets de nos controverses ; il a pour remords tous les titres de notre gloire ; il est accablé sous le poids des découvertes, des connaissances, incapable de se reprendre à cette activité illimitée. Il songe à l’ennui de recommencer le passé, à la folie de vouloir innover toujours. Il chancelle entre les deux abîmes, car deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre.

S’il saisit un crâne, c’est un crâne illustre. — Whose was it ? — Celui-ci fut Lionardo. Il inventa l’homme