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de la connaissance humaine où je suis le seul à avoir pied... Et toi ?

Miss Daniels courut.

— Je suis comme quand tu m’as connu. J’ai voyagé. Je suis célibataire... Je travaille.

Ainsi par peur d’être déçus, nous nous entêtions à vouloir rester l’un pour l’autre ce que nous étions autrefois et nous avions toujours ce moyen de nous dire semblables l’un à l’autre. Parler de nos métiers ? Comment supposer qu’ils soient deux métiers égaux, comme nos destins autrefois. Pourquoi prouver à l’un qu’il avait perdu la course ? Du moins, chacun derrière le mot célibataire et le mot travail, nous étions à l’abri... Ou plutôt, je le compris plus tard, chacun craignait peut-être de rencontrer en l’autre un homme mûr, alors que lui-même ne l’était pas. La seule ressemblance entre Pavel et moi était que le sort nous avait désignés, avec peu d’autres, pour une jeunesse vivace, parfaite, que dès dix-sept ans nous avions reconnue, à ce point ménagée et soignée que nos défauts et nos qualités de quinze ans n’étaient pas devenus ceux des hommes, mais de gigantesques défauts et qualités d’enfant... Ou plutôt... Mais de cela je parlerai un autre jour...

— Cher Jean, m’écrivit Pavel, miss Daniels m’avoue que tu as fouillé mes poches. Il manquait mon porte- feuille. Je t’envoie le seul papier qu’il contînt. Il te renseignera mieux sur moi qu’un éphéméride, Mais envoie-moi une lettre du tien — tu en avais toujours cinquante, — au hasard...

La lettre que m’envoyait Pavel était usée aux plis ; il l’avait recollée, à défaut de papier gommé, avec de