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228 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

taché serbe approuvait... Pas un seul château argenté dans des arbres rouges... Le chauffeur bavard conduisait la tête tournée vers moi, et il ne pouvait non plus, car j 'affectais d'être rassuré, lire les tournants ou les caniveaux sur mon visage... Parfois il s'inquiétait d'un pneu arrière, et tous quatre nous nous penchions de tout le corps hors de la voiture emportée sans maître, comme quatre pou- pées... Le planton pompait sans relâche à je ne sais quelle pompe, aiïolé comme si nous faisions eau... De sa main droite, à bras tendu, car nous allions droit vers l'ouest, l'attaché serbe projetait sur son visage, cherchant surtout à couvrir un de ses yeux, un tout petit cercle d'ombre... Je lui montrais les topinambours de l'an dernier, rouilles par l'automne, les silos de betteraves, pourries par l'hiver ; il approuvait : je ne croyais pas les Serbes aussi lâches devant les saisons... Puis vint ce village où la fontaine est surmontée d'une nymphe nue, et une vieille femme y lavait un bonnet, une chemise mauve, des bas, tout le linge de la nymphe, des draps de nymphe avec de grandes initiales. Puis parut le poste fixe de défense contre avion, et le potager s'étalait chaque semaine davantage autour de la tour de planches... Puis le poste mobile, où les observa- teurs n'ont pas la ressource de planter, et dorment, les yeux fermés dès qu'ils ne regardent plus le ciel... Mais soudain la terre fléchit, l'horizon fut crénelé de tours et de dômes, planton et chauffeur ceignirent leur étui vide de revolver, y firent disparaître leurs bérets, coiffèrent leur casque comme des aviateurs ; les autos qui allaient sur Paris laissaient un vrai reflet d'or, contenaient im képi de général ; c'était le Grand Quartier, c'était Provins. Il fallut s'arrêter aux portes. Nous étions à la fin de ce

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