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DIALOGUES DES OMBRES PENDANT LE COMBAT 213

tu t'imaginais grand connaisseur d'âmes, parce que tu avais placé quelques paroles assez vraisemblables dans la bouche de tes marionnettes et que tu avais joliment dé- duit les réflexions d'un valet qui va passer sous les verges.

TÉRENCE. — Hé! Scipion, ce peu que je savais du cœur humain, vous éprouviez quelque orgueil à le partager. Il fut un temps où il ne vous déplaisait pas que l'on vous crût pour quelque chose dans l'invention de mes fables comiques. Et quand on insinuait que votre affranchi s'était borné à mettre en vers les idées que vous lui jetiez, vous protestiez avec un sourire si détaché que les gens se récriaient sur votre tact, sans croire devoir cesser de louer votre bel esprit.

Scipion. — Ahçà, Grec, oses-tu prétendre que j'aurais été jaloux de ton écritoire ? Cesse de bourdonner autour de moi comme une mouche. Regarde les remous de ces ombres. L'univers chancelle selon que grossit l'un de ces deux courants et qu'avec lui s'échappe la force d'une des armées. Que viens-tu me rappeler tes masques ?

TÉRENCE. — Vous m'étonnez, Scipion, car je ne croyais pas que l'odeur d'une bataille pût ainsi changer votre appréciation des hommes ; mais je reconnais bien votre promptitude à ressaisir l'avantage et votre passion de dominer. Maître... s'il vous plaît que je vous appelle ainsi, je ne vous marchanderai pas ce titre, bien que vous le réclamiez soudain avec une âpreté qui, pour des yeux perspicaces, n'est pas trop bon signe. Voulez-vous que je vous écoute comme un de vos centurions qui se tient à trois pas, raidi par la crainte et le respect ? Mais quand je vous parlerais à genoux, empêcherais- je qu'il y ait eu des temps où les copistes de mes pièces croyaient vous

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